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« Boulder », Eva Baltasar

Traduit du catalan par Annie Bats, Verdier, août 2022, 128 p., 18,50 €

Après « Permafrost », voici le deuxième volet de la trilogie d’Eva Baltasar. Boulder est le surnom que donne à la narratrice son amante géologue qui la compare à un gros bloc de pierre arrondi par l’érosion. Toutes deux se rencontrent lors d’une escale au Chili où notre héroïne, après avoir fui Barcelone, est cuisinière sur un cargo : « j’avais besoin d’affronter le vide ». C’est Samsa qui comble ce vide, d’abord par l’ardeur sexuelle qui les submerge, première étape de la passion qui transforme les amantes en un magma en fusion. Par amour, Boulder quitte son existence nomade et s’installe à Reykjavik où elle ouvre un food-truck, puis, au bout de dix ans de vie commune, Samsa lui annonce qu’elle veut un bébé. Par peur de la perdre et malgré sa répulsion pour les enfants, Boulder cède au désir de sa compagne qui l’exclue peu à peu, tout entière à sa maternité. Le tout est narré par Boulder, au naturel misanthrope et solitaire, qui se laisse entraîner à son corps défendant par la vie qui « s’ouvre comme une blessure qui suppure et qui brûle », s’oubliant jusqu’à se perdre dans des liens trop étroits contraignant sa liberté. Allergique au train-train quotidien, à la conception bourgeoise et normative du couple, à la parentalité, elle se sacrifie et trahit ainsi ses propres convictions, mais les sentiments s’érodent au fil des ans et des concessions. Le récit sonne très juste, avec ce qu’il faut d’humour et d’autodérision pour représenter la difficulté d’être en couple et la place à trouver au sein de l’amour maternel exclusif. Ce roman contemporain d’une grande intensité revendique la liberté, véritable exercice d’équilibriste lorsque l’amour s’en mêle.

Aline Sirba

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