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« Anna Thalberg », Eduardo Sangarcia

Traduit de l’espagnol (Mexique) par Marianne Millon, La Peuplade, janvier 2023, 168 p., 18 €

Dans l’Allemagne des 16e et 17e siècles, sous le règne d’un prince-évêque contre-réformateur, eurent lieu des chasses aux sorcières qui firent des centaines de victimes. Les célèbres procès des sorcières de Wurtzbourg inspirèrent à Eduardo Sangarcia l’histoire d’une jeune femme emprisonnée sur dénonciation, à qui l’on extorqua des aveux de sorcellerie sous la torture, et qui périt sur le bûcher. Rousse, épouse d’un journalier pauvre d’Eisingen, Anna Thalberg est un jour violemment arrêtée par les officiers de l’examinateur Vogel sur ordre de l’évêque. Dans les geôles de Wurtzbourg, torturée par le bourreau, interrogée par le prêtre Hahn, violentée par Vogel lui-même, Anna s’obstine à clamer son innocence, pendant que son mari et le prêtre de leur paroisse vont plaider sa cause jusqu’à la résidence de chasse du prince-évêque lui-même. Si le lecteur sait dès le départ que l’héroïne, la plus pure et innocente de tous, est condamnée d’avance, il saisit au fil des pages les mécanismes et les effets de cette domination par la peur grâce à une construction très fluide qui passe des pensées d’un personnage à un autre en une phrase. Le prêtre doute d’un dieu cruel qui abandonne les siens à l’iniquité, le confesseur est désemparé devant la justice impitoyable des hommes, le mari malade de douleur perd la raison… Bien qu’ancré dans une période contextualisée, le roman est moderne dans la dénonciation du pouvoir illimité d’une religion complice d’une justice corrompue. Le fanatisme et la xénophobie sont les maux qui participent à la destruction du pacte social et à l’instauration d’un gouvernement par la terreur.

Aline Sirba

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