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“Antipolis”, Nina Léger

Gallimard, février 2022, 192 p., 17 €

« Il n’y avait rien, il y aurait tout » : voilà la genèse de la technopole de Sophia-Antipolis imaginée par Pierre Laffitte, directeur de l’Ecole des Mines qui, tout moderne et visionnaire soit-il, n’aurait jamais poursuivi son rêve sans l’amour de Sophie, son épouse de vingt ans plus âgée que lui, exilée russe et universitaire. Cependant, depuis 1960 et sa tribune dans le « Monde », il s’écoulera presque dix ans avant que ne s’engagent les premiers travaux de cette cité du progrès, des sciences et du savoir que Pierre Laffitte se représentait initialement près de Paris et non dans le sud de la France. C’est le préfet des Alpes-Maritimes qui le convainc de l’implanter sur le plateau de Valbonne, au milieu de la garrigue déserte.

En 2017, Sonia, promotrice immobilière, est prête à conclure un contrat sur l’espace des Bouillides dans cette même commune de Valbonne, lorsqu’un recours pour motif mémoriel est déposé par une association de harkis. Mais de quelle mémoire s’agit-il, puisque Sophia-Antipolis a été créée ex-nihilo ? Sonia apprend qu’en réalité le terrain n’était pas inhabité au moment où l’emplacement du site a été choisi : l’Etat y avait parqué une quarantaine de familles de harkis. Loin d’être vierge, le territoire bruissait du passé récent de la guerre d’Algérie. Ainsi a-t-on voulu effacer cette tache dans le paysage, symbole de l’abandon honteux, au moyen de la belle fable d’une cité idéale. De même qu’il n’y a pas de géographie sans histoire, ni d’histoire sans fictions, Sophia-Antipolis est une « utopie mélangée à la réalité ». A la manière d’une archéologue, la romancière exhume les récits tus, cachés, oubliés, et donne du sens aux fictions de la réalité.  

Aline Sirba

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