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“Carnet de mémoires coloniales”, Isabela Figueiredo

Traduit du portugais par Myriam Benarroch & Nathalie Meyroune, préface Léonora Miano, Chandeigne, septembre 2021, 240 p., 20 €

Née au Mozambique en 1963 de parents portugais, l’autrice tire de son enfance en pays colonisé un livre d’une rare sincérité qui se perçoit d’emblée dans le langage cru, écho au racisme des colons envers les « nègres ». Son père a troqué la misère métropolitaine pour une condition modeste dans la capitale mozambicaine où son entreprise d’électricité emploie une quarantaine d’ouvriers noirs maltraités et payés au rabais. La fillette adore et craint ce père fort, bel homme, jouisseur, et qui l’emmène partout. Très tôt, elle est le témoin incrédule de sa brutalité contre les indigènes « paresseux » par nature, et devine que l’homme « baise les négresses » animalisées. La petite fille grandit donc dans ce monde rude et hypocrite où le racisme institutionnalisé fait partie de sa culture : « je dis nous parce que j’y étais ». Mais son univers en noir et blanc se fissure peu à peu grâce à la lecture qui décille ses yeux. Adolescente, elle oppose un rejet silencieux à celui-là même qui l’a toujours incitée à devenir indépendante, mais dont la stature de héros paternel se réduit au visage du spoliateur raciste, brutal et misogyne. Rentrée au Portugal en 1975, l’autrice souffre du déracinement, chassée en ennemie par son pays natal et méprisée par son pays d’origine, exilée à perpétuité assumant la honte et la culpabilité de ses ascendants. On ne pouvait mieux exprimer la vérité d’une identité morcelée par les contradictions de la réalité coloniale intime et collective.  

Aline Sirba

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