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« Ce que Majella n’aimait pas », Michelle Gallen

Traduit de l’anglais (Irlande) par Carine Chichereau, Joëlle Losfeld, 352 p., 24 €

Nous sommes en 2006 dans une petite ville d’Irlande du Nord où vivent toujours séparés Protestants et Catholiques, et où le taux de chômage explose sur fond d’alcoolisme endémique. A vingt-sept ans, Majella O’Neill, dont le père indépendantiste a disparu plusieurs années auparavant, vit chez sa mère alcoolique et dépressive, et travaille au « Salé, Pané, Frit ! », le fish-and-chips du coin. Bien que sa grand-mère vienne d’être assassinée, elle poursuit sa routine, agacée seulement par la fausse commisération et la curiosité malsaine des clients : « en fait, Majella n’aimait pas trop les autres ». Sa passivité et ses haussements d’épaules exaspèrent parfois ses semblables, d’autant que nombre de questions restent en suspens : qu’est devenu son père ? Qui a tué sa grand-mère ? En réalité, si la jeune femme semble insensible, se fiche de son excès de poids et assume une sexualité libérée, elle compense son anxiété et sa phobie sociale par des tics nerveux, se réfugiant dans sa chambre d’enfant pour manger, dormir et regarder en boucle de vieux épisodes de « Dallas ». Majella semble engluée dans ce quotidien médiocre empreint de violence, de sexisme et de jalousie, mais survit grâce à son cynisme et à son intelligence, évite autant que possible les situations embarrassantes et accepte son sort sans toutefois s’y soumettre. Roman social et intime, « Ce que Majella n’aimait pas » est servi par une prose argotique et un humour décapant qui éloignent tout pathétique sans oblitérer les émotions profondes et la force de cette héroïne singulière aussi indépendante qu’attachante.

Aline Sirba

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