0

« Hors gel », Emmanuelle Salasc

P.O.L, août 2021, 416 p., 21 €

Lucie, quinquagénaire, vit recluse dans la grange familiale de Haute-Savoie, juste en-dessous du glacier qui plane sur la vallée comme une épée de Damoclès depuis la catastrophe de 1892, lorsqu’après la rupture d’une poche d’eau, une coulée de lave torrentielle a tout dévasté sur son passage. En 2056, à la faveur d’un état écologique radical, le glacier est surveillé et les habitants rompus aux exercices d’évacuation. Mais un autre tourment vient peser sur Lucie : sa sœur jumelle est revenue au pays après avoir disparu pendant trente ans. Clémence a d’abord été l’enfant hors de contrôle, puis l’adolescente violente passée par toutes les institutions de contention, avant se marginaliser et de rejeter sa famille. Pourtant c’est bien sa sœur qu’elle appelle à la rescousse, affirmant être traquée par des trafiquants. Cet été-là, les autorités ordonnent d’évacuer la vallée car le glacier risque de rompre, mais Clémence refuse de partir et Lucie se retrouve prisonnière consentante, le territoire agissant tel une matrice où se noue la tragédie. Sous la crainte d’une double menace naturelle et humaine, la narratrice désarmée sait pourtant que les digues retenant l’eau et la folie finiront par céder. Tout en menant une réflexion sur une politique écologique qui sanctifie la nature au détriment des libertés, le roman examine les rapports de domination fondés sur la peur. Celle-ci, construite par la mémoire collective de la calamité ancienne et celle intime du désastre familial, est utile à la survie, mais constitue une entrave à la vie. C’est avec ces contradictions que Lucie devra choisir entre la fuite ou l’emprise conjuguée de sa sœur et du glacier.

Aline Sirba

We are using cookies to give you the best experience. You can find out more about which cookies we are using or switch them off in privacy settings.
AcceptPrivacy Settings

GDPR