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“Je chante et la montagne danse”, Irene Solà

Traduit du catalan par Edmond Raillard, Seuil, 13 mai 2022, 224 p., 21 €.

Ce qui frappe en premier, c’est la langue poétique, imagée et magnifiquement traduite. Irene Solà compose un roman choral ancré dans les Pyrénées espagnoles catalanes où survient un drame à la fin des années 1960 : Domènec est foudroyé par un éclair alors qu’il surveillait ses vaches en déclamant des vers. Il laisse une veuve et deux enfants à la ferme dont on suivra les trajectoires douloureuses sur cette terre de taiseux isolée lourde de son histoire. En effet le territoire frontalier qui a subi les bombes franquistes et servi de passage à l’exode républicain d’après-guerre en porte toujours les stigmates. Cependant, aux longues décennies de dépeuplement succède un regain d’intérêt alimenté par les randonneurs et les néo-ruraux ; une fois adultes, les enfants du pays partis à la ville reviennent, comme aimantés par le passé, leur famille et leurs amours. Chaque chapitre donne la voix à un élément, un animal, un végétal, un personnage, qui ensemble forment une toile narrative où le merveilleux côtoie le prosaïque. L’intrigue est ainsi irriguée par des réminiscences, des contes et des mythes transmis de génération en génération, comme la présence des dames de l’eau, fantômes de celles qui ont été condamnées en leur temps pour sorcellerie. Dans ce roman habité, chacun existe par son récit. Cette littérature tisse des liens entre la nature et les êtres, intégrant les histoires singulières dans un paysage global. Grâce à la narration chorale, l’horizon s’élargit, le macrocosme se reflète dans le microcosme et le lecteur saisit avec ravissement l’interdépendance qui régit le monde.

Aline Sirba

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