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“La stupeur”, Aharon Appelfeld

Traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti, L’Olivier, avril 2022, 256 p., 22 €

Voici le dernier roman publié du vivant d’Aharon Appelfeld. S’il ne s’agit pas d’un épisode directement autobiographique, il traite du thème de l’extermination des Juifs d’Ukraine durant la Seconde Guerre mondiale, avec une dimension mystique supplémentaire. Iréna est mariée à un homme fruste et violent, copie conforme de son propre père. Après que le champ du couple a été inondé, elle assure le ménage de l’école et souffre de sa vie d’épouse asservie. Un matin, elle est témoin de l’humiliation et du pillage des Katz, ses voisins juifs épiciers, puis de leur assassinat sur ordre des Allemands. La barbarie sous ses fenêtres et l’indifférence de son mari sont les déclencheurs de sa fuite. Elle se réfugie d’abord chez sa tante qui vit recluse dans la forêt. Perturbée, souffrant de crises d’anxiété, de cauchemars, Iréna porte la culpabilité de n’avoir pas aidé ses voisins par égoïsme et jalousie. Elle s’engage alors dans une voie exaltée en devenant prophétesse, clamant par les chemins que le meurtre des Juifs est un crime contre Jésus, lui-même d’origine juive. Insultée et rejetée comme une sorcière, une folle ou une alliée des Juifs, Iréna, pécheresse expiatrice errante poursuivie par ses fantômes, mène pourtant sa mission avec détermination. Sa stupeur initiale devant la haine se mue en révolte contre les hommes cruels et cupides qui persécutent les Juifs comme ils dominent les femmes. Dans ce roman aux accents bibliques, celles-ci sont d’ailleurs plus réceptives au message d’Iréna, prostituées ou paysannes rachetées par l’amour et la charité, parce que seule la réparation des injustices assurera la rédemption et la cohabitation des vivants et des morts.

Aline Sirba

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