Traduit du portugais (Mozambique) par Elisabeth Monteiro Rodrigues, Métailié, septembre 2022, 352 p., 22,80 €
En mars 2019, alors qu’une alerte cyclonique est émise, le professeur mozambicain Diogo Santiago se rend dans sa ville natale de Beira pour une série d’hommages. Dépressif, il est à la recherche des fantômes de son passé, marqué par la mort de son père et la disparition de son cousin pendant la guerre d’indépendance (1965-1975), alors que lui-même était adolescent. Son père était un poète célèbre, partisan de l’indépendance à l’instar d’une certaine élite blanche, mais il avait aussi sa part cachée. A Beira, Diogo retrouve Benedito, l’ancien domestique de la famille devenu homme politique, et fait la connaissance de Liana Campos. Petite-fille d’un ancien inspecteur de la police secrète portugaise, celle-ci profite de sa présence pour faire avancer sa propre enquête sur la mort de sa mère. A la faveur d’archives, de lettres, de journaux intimes, le héros recompose le puzzle qui atteste des atrocités perpétrées par la police d’Etat portugaise lors de la guerre. En interrogeant les témoins de l’époque, Liana et Diogo font remonter les souvenirs et les secrets à la surface, construisant le savoir des uns et encombrant les adeptes de l’oubli. Ce roman, peut-être le plus intime de Mia Couto, est porté par un souffle romanesque remarquable, teinté de réalisme magique, où racisme, homophobie, traîtrises et vengeances personnelles sont intriqués dans la grande histoire maculée de sang. Le titre superbe évoque la complexité et la vanité de l’entreprise mémorielle, interrogeant la perte et le rôle de l’auteur, « gardien des histoires qui charrie des absences et des silences comme s’ils étaient des graines ».
Aline Sirba