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“Les détectives sauvages”, Roberto Bolaño

Traduit de l’espagnol (Chili) par Robert Amutio, L’Olivier, novembre 2021, 768 p., 26 €

Le chef-d’œuvre de l’auteur chilien Roberto Bolaño, enquête doublée d’une quête littéraire, fait l’objet d’une belle réédition dans le même temps que le lauréat du prix Goncourt 2021, Mohamed Mbougar Sarr, le cite ouvertement dans l’épigraphe de « La plus secrète mémoire des hommes » (Ed. Philippe Rey/Jimsann), roman de l’intertextualité s’il en est. Là, deux poètes des années 1970, le Chilien Alberto Belano et le Mexicain Ulises Lima, se lancent sur les traces de la fondatrice du « réalisme viscéral », mouvement littéraire imaginaire d’avant-garde auxquels ils appartiennent. Accompagnés de leur admirateur, le jeune Juan Garcia Madero, et d’une prostituée pourchassée par son proxénète, ils s’enfoncent à bord d’une Chevrolet Impala dans le désert du Sonora, où l’autrice géniale vivrait retirée du monde. De 1976 à 1996, de Mexico à Barcelone en passant par Jérusalem et le Liberia, le lecteur suit les pérégrinations de Belano et de Lima à travers les récits fragmentés et désordonnés d’une cinquantaine de personnages qui les ont croisés. Cette partie centrale du livre, constituée de témoignages, est encadrée par le journal intime de Juan Garcia Madero, à lui seul véritable roman d’apprentissage classique, du moins dans la forme. Confronté à la mort à plusieurs reprises, Juan finit par abandonner ses deux mentors à leur destin vagabond. Polyphonique, éclaté, sensuel et énigmatique, jeu de piste sans issue, « Les détectives sauvages » semble hanté par le même dilemme que le roman de l’auteur sénégalais Mohamed Mbougar Sarr : « écrire, ne pas écrire », comme si, à l’instar de la vie, la littérature était vouée à disparaître inexorablement.

Aline Sirba

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