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« Les marins ne savent pas nager », Dominique Scali

La Peuplade, août 2022, 728 p., 24 €

Dominique Scali imagine au dix-neuvième siècle une île perdue au milieu de l’Atlantique nommée Ys. Divisés entre riverains et citadins, les Issois ont des modes de vie antagonistes selon qu’ils habitent les rives ou la cité ; les premiers, pauvres, vivent de pêche et de braconnage, du pillage des navires échoués à cause des terribles tempêtes, tandis que les seconds ont un statut privilégié et un quotidien enviable, à l’abri des marées d’équinoxe. Danaé Poussin est une riveraine orpheline, comme nombre d’enfants des grèves élevés par des veuves et des femmes de marins. Le lecteur pénètre les arcanes des règles issoises en suivant le destin de Danaé dont les rencontres et les amours successives la hissent  socialement, sans qu’elle renonce à sa liberté. Destin singulier et passionnant que celui de cette héroïne insoumise qui devra naviguer entre plusieurs mondes et dont les aventures nous tiennent en haleine. Ce roman d’apprentissage rappelle les romans maritimes de Stevenson à Melville, avec son lot de péripéties, de pirates, de capitaines et de naufrages, mais aussi d’amitié et de rivalité. Bien que familier par son intertextualité, l’univers issois est une pure création, et les personnages sont plus complexes et divers que les archétypes du genre. Si certains chapitres sur l’histoire de l’île paraissent un peu longs, ils n’entravent pas la progression de l’intrigue, envisagée en grande partie sous l’angle politique, féminin et générationnel. L’autrice québécoise fait enfin preuve d’une grande inventivité dans la langue, mélange de parler populaire et courant, de français ancien et moderne. Puisant dans une tradition renouvelée, ce roman est un véritable monde en soi.

Aline Sirba

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