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« Les Enfants endormis », Anthony Passeron

Globe, août 2022, 288 p., 20 €

C’est une histoire longtemps restée secrète, celle d’une famille particulière, mais aussi celle de millions d’autres à travers le monde à partir des années 1980. Entre la France et l’Italie, dans un village non loin de Nice, la boucherie familiale aura fait la fierté de trois générations qui se sont élevées socialement à la sueur de leur front, jusqu’à la descente aux enfers dans laquelle l’oncle de l’auteur a tout entraîné avec lui. Des quatre enfants, Désiré était l’aîné, destiné à reprendre le commerce ; mais c’était sans compter sur son attrait pour la ville et son goût de la fête. Pendant que Désiré s’amuse, c’est son cadet Jacques qui seconde leur père à la boucherie. Lorsque l’héroïne devient l’ingrédient incontournable des réjouissances, elle est suivie de près par un nouveau fléau, le sida. Désiré contracte ce virus encore inconnu qui fait trembler les homosexuels et les héroïnomanes de l’autre côté de l’Atlantique : une maladie de « marginaux ». Mais quand celle-ci fait irruption dans la petite bourgade, c’est la sidération, le déni, l’opprobre. Contaminés, Désiré, sa femme et leur enfant sont doublement condamnés à une mort sociale et physique. Dans ce premier roman, Anthony Passeron se déleste du fardeau de silence et de honte qu’il a reçu en héritage, mais il consacre aussi de nombreuses pages aux découvertes médicales, aux tâtonnements des scientifiques, aux essais thérapeutiques et à la concurrence entre Etats-Unis et France dans ce domaine. Prenant une dimension universelle, le roman fait un portrait remarquable de cette époque de tabous et de contestations, et projette la lumière sur ceux et celles dont la vie a été tue et recouverte d’une chape de plomb.

Aline Sirba

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