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“Musée Marilyn”, Anne Savelli

Inculte, août 2022, 432 p., 20,90 €

Depuis soixante ans, on ne compte plus les publications sur Marilyn Monroe ni les reproductions de son portrait. Pourtant Anne Savelli n’a pas craint de se colleter au sujet avec un dispositif original : on entre avec la narratrice dans une exposition confidentielle et particulière, où défilent des photographies de Marilyn Monroe qui narrent sa vie publique et privée, le tout commenté par un guide étrange. Si l’on se souvient davantage de son visage sur papier glacé que de ses rôles au cinéma, c’est grâce à l’art photographique qui a révélé Norma Jeane Baker à tous les sens du terme. Marilyn Monroe a entretenu une relation passionnelle avec les photographes, mitraillée jusque dans son intimité, reine de l’artifice qui a compris tôt le pouvoir d’attraction de son image. Chaque chapitre renvoie à un cliché contextualisé, avec portrait de l’opérateur des plus passionnants. Or si les photographes ont créé la femme fatale qui a envahi l’imaginaire populaire, il subsiste toujours un mystère Marilyn ; plus on avance dans l’exposition, plus l’illusion s’effiloche, or le mythe demeure. Et si le sujet du roman n’était pas seulement l’icône blonde platine mais nous, spectateurs affamés, repus, écœurés par les mêmes images qui manifestent notre voyeurisme ? La photographie est ici le support du romanesque, de la fiction, tout comme l’image est une construction. Interprétée, polysémique, objet de toutes les projections. « Où existe l’image, en réalité ? Non dans le domaine du visible, mais dans les cellules de notre mémoire ». Ce roman d’une immense richesse utilise la mise en abyme du regard pour lever un coin du voile sur Marilyn et l’âge d’or hollywoodien, et sur notre époque saturée d’images qui jouent avec nos affects.

Aline Sirba

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