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« N’ajouter rien », Fabrice Chillet

Bouclard, septembre 2023, 136 p., 19 €

Tout commence de façon banale. Le narrateur, un quinquagénaire rouennais, employé d’administration sans histoire, trouve un roman dans une boîte à livres : « L’Eté, deux fois » de Christian Costa, publié aux éditions de Minuit en 1990. Le lendemain, il se le fait dérober dans un café. Comble de malchance, le livre est épuisé, quasiment introuvable, tout comme son auteur, disparu après avoir publié cet unique ouvrage, le nimbant d’un mystère qui pique la curiosité de notre héros. Ce dernier remue ciel et terre pour acquérir un nouvel exemplaire, développant une obsession pour l’auteur secret et la petite communauté de ses admirateurs. Le roman comporte plusieurs strates de lecture troublantes : il y a l’enquête autour d’un roman dont l’auteur s’est évanoui ; l’écriture de la quête ; la transformation du narrateur en héros puis en écrivain. Notons au passage que le livre de Fabrice Chillet est publié dans la bien nommée collection « Tout est vrai ou presque » ; Borges et Bolaño ne sont pas loin, d’autant que les pages abondent en clins d’œil et en citations, au point que l’on peut dresser une liste bibliographique des plus exaltantes. En parcourant le Quartier latin, l’on croise des auteurs estampillés Minuit comme Jean Echenoz, mais aussi Georges Perec, Maurice Blanchot ou Patrick Modiano. Ce jeu de piste littéraire jouissif et génial soulève enfin des questions métafictionnelles : faut-il sacrifier sa vie à l’écriture, à la littérature ? Qu’est-ce qu’un auteur, un lecteur ? Citons en conclusion l’auteur britannique P. G. Wodehouse évoquant son célèbre personnage de valet de chambre : « Jeeves connaît sa place, et c’est entre les couvertures d’un livre ». A bon entendeur…

Aline Sirba

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