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« Pas de souci», Luc Blanvillain

Quidam, août 2022, 380 p., 22 €

Notre besoin d’histoires est irrépressible. Et face à un mal-être ambiant, cette soif est encore plus criante. C’est là le point faible des personnages de Luc Blanvillain, en particulier de Chloé, trentenaire parisienne, audiodescriptrice de son métier, apparemment sans souci, si ce n’est l’ennui d’une vie sans relief. Une psychologue exploite son bovarysme en la persuadant que ses parents lui cachent quelque chose. Voilà l’explication tant attendue : un secret de famille, un traumatisme lové dans son inconscient. Chloé tient enfin son histoire, son drame personnel à même de satisfaire son esprit égocentrique. Or ses parents, deux jeunes retraités sans histoire, sont interloqués et affligés lorsque leur fille les somme de révéler leur pseudo-secret : « On a une putain de vie normale […]. On est complètement ordinaires ». Mais on le sait bien, quand on cherche, on finit par trouver ; au besoin, on peut inventer, mentir. Encore faut-il savoir quoi faire des cadavres que l’on déterre artificiellement. Personne ne se doute des conséquences du dévoilement d’un secret factice, jusqu’à ce que la réalité dépasse la fiction. Absorbée par sa vanité, Chloé met en branle la machine bien huilée de la tragédie, au point que sa quête fait émerger un passé provincial normand auquel son entourage est plus ou moins lié. L’intrigue qui débute par un ressort comique cache une vérité plus triste et plus sordide : rancœurs sédimentées, regrets, médiocrité, folie des personnages. Ce roman caustique et bien troussé souligne la dimension de la coïncidence entre fiction et réalité, y compris dans la construction de nos identités contemporaines dans un monde dit rationnel.   

Aline Sirba

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