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« Pleine et douce », Camille Froidevaux-Metterie

Sabine Wespieser, janvier 2023, 224 p., 20 €

Pour la première fois, la philosophe du corps des femmes Camille Froidevaux-Metterie explore différemment son domaine de recherche dans un roman auquel elle donne une forme chorale.

Les personnages sont invités à une fête célébrant la naissance d’Eve, fille de Stéphanie. Du bébé à sa mère, en passant par la grand-mère, les tantes, les cousines et les amies, les voix se croisent et racontent leurs préoccupations du moment, les règles, la ménopause, la sexualité ou le vieillissement. Les narratrices sont liées par un rapport complexe à leur féminité et aux normes sociétales : injonctions à la beauté, à la minceur, à la jeunesse ; mais paradoxalement, la conscience de ces constructions dévastatrices ne les empêche pas de s’y soumettre. Seules les plus jeunes semblent enclines à rejeter les stéréotypes qui n’épargnent pas les hommes, ici présents dans les figures du père d’Eve, d’un genre nouveau, « sans statut ni registre », des époux et ex-mari des sœurs Lucie et Laurence, et des amants de passage. Bien qu’émancipées, nos héroïnes estiment que leurs souhaits sont sacrifiés sur l’autel du couple et de la maternité, qu’elles considèrent comme un accomplissement tout en voulant s’en libérer. Le roman échappe à l’effet catalogue grâce à un jeu de miroir induit par le regard de l’autre qui souligne la distance entre ce que l’on projette et ce que l’on est vraiment. Le ruban de la sororité s’enroule ainsi autour de l’enfant tout juste née, comme un espoir qui permet la pluralité du féminin et la définition d’un nouvel enjeu : faire corps, accepter et imposer son désir contre les impératifs séculaires.

Aline Sirba

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