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« Pleine terre », Corinne Royer

Actes Sud, août 2021, 336 p., 21 €

Corinne Royer s’inspire d’un fait divers tragique survenu dans un monde paysan écrasé par le rouleau compresseur de l’administration intransigeante et de la législation parfois absurde. Le héros s’appelle Jacques Bonhomme, en écho à la figure anonyme des révoltes paysannes du 14e siècle. Son parcours est banal : fils d’agriculteur, il a repris la ferme familiale en se spécialisant dans l’élevage de vaches limousines. En 2015, au cours d’un contrôle sanitaire, on lui reproche de ne pas avoir déclaré à temps la naissance de quelques veaux. Cet incident est le point de départ d’un enchaînement infernal : obligation de confinement des vaches à l’étable, interdiction de toute vente, confiscation du troupeau. C’est plus que Jacques n’en peut supporter qui prend la fuite. Durant ses quelques jours de cavale, il passe tour à tour du désespoir à la colère, épuisé mais combatif, retournant la même question dans sa tête : quelle faute a-t-il commise pour que sa vie de labeur ait été réduite à néant ? Dans ce roman choral sont soulevées les difficultés qui rongent les paysans : l’endettement pour se conformer aux normes, l’humiliation, la solitude, la peur du suicide. Le héros prône un retour à une terre respectée, nourricière et régénérée. Son caractère profondément humaniste lutte contre un système injuste qui met le monde paysan à genoux au profit des grands exploitants. Histoire haletante d’une cavale sans issue, ce roman est une ode à la nature à rebours de l’accélération technique, célébrant sans naïveté l’attachement à la terre, aux bêtes et aux traditions que la modernité piétine. La langue belle et visuelle, la réflexion nuancée, les personnages attachants servent une cause entendue.

Aline Sirba

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