Tristram, janvier 2024, 144 p., 16,50 €
Denis Infante publie un roman qui sort des sentiers battus, entre fable écologique et roman d’apprentissage. L’héroïne, appelée Rousse, est une renarde. Son monde est dépeuplé, les humains ayant disparu suite à différentes catastrophes écologiques, climatiques ou autres épidémies. Il est aussi difficilement habitable pour les animaux qui demeurent, obligés de migrer à cause de la sécheresse et de la raréfaction des ressources. Rousse est de ceux-là, qui entreprend un voyage vers l’eau, la grande rivière qui jamais ne s’assèche. Au fil de son odyssée qui s’étale sur plusieurs saisons, elle traverse bien des paysages et croise d’autres animaux, ennemis ou amis, comme un vieux corbeau et une ourse, sans que l’auteur cède à l’anthropomorphisation. Notre canidé reste un prédateur mû par son instinct et ses besoins primaires, qui ne se déplace que parce qu’il y est contraint. Cependant, le virage métaphysique de la fable apparaît lorsque la nécessité se transforme en désir, celui d’aller toujours plus loin. Enfin, c’est le style qui fait ici l’histoire. L’auteur a dépouillé son texte de tous les déterminants, créant ainsi une phrase syncopée, archaïsante et mélodique, hypnotique même, comme si un monde nouveau, avec sa langue nouvelle, non contaminé par le discours des hommes, était en train de (re)naître sous nos yeux de lecteur ébloui par la portée ontologique du récit.
Aline Sirba