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“Seyvoz”, Maylis de Kérangal, Joy Sorman

Inculte, février 2022, 112 p., 12,90 €

Tomi Motz, ingénieur parisien, est envoyé en urgence en Savoie pour la maintenance des installations du barrage hydroélectrique de Seyvoz. Après sept heures de route, personne ne l’attend, le site est désert, tout comme l’hôtel où il descend. Devant cette situation, Tomi est tout de même décidé à effectuer le travail pour lequel il a été appelé, mais cela s’avère impossible, les problèmes se multipliant. De plus, durant quatre jours, des phénomènes étranges mettent sa raison à rude épreuve : grésillements insupportables, pannes d’électricité, apparitions hostiles, absence de réseau… En parallèle, une histoire antérieure nous est racontée par un « je » spectral, le drame de l’expropriation puis de la destruction du village de Seyvoz en 1952, sacrifié sur l’autel du progrès, englouti sous les millions de mètres cubes d’eau du lac artificiel. Les quelques centaines d’habitants se sont bien sûr opposés au projet qui les contraignaient à abandonner la terre de leurs ancêtres et à rayer leur village de la carte ; il a aussi fallu déplacer et détruire les symboles de Seyvoz : cloches de l’église, morts du cimetière, mairie, école, souvenir des immigrés venus travailler au chantier colossal. Et si l’atmosphère inquiétante qui baigne le lieu actuel avait un lien avec ce village fantôme noyé sous les eaux par la volonté de l’Etat ? Sans jamais basculer tout à fait, le roman flirte avec le fantastique, l’ancien village semblant attirer vers les profondeurs ceux qui s’en approchent. Seyvoz est à la fois le lieu de la fiction et la fiction du lieu, un roman à quatre mains brillant qui interroge l’espace comme construction humaine temporelle et destruction du vivant et de la mémoire.  

Aline Sirba

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