La Peuplade, août 2021, 216 p., 18 €
L’auteur québécois s’est librement inspiré de la vie de Francis Bacon et de sa passion pour George Dyer, son modèle caché. Sous la forme d’un monologue, l’artiste s’adresse à l’amant perdu. Leur histoire débute dans l’atelier londonien du peintre où le voleur échoue dans sa tentative d’effraction qui se transforme en bagarre furieuse et érotique. S’instaure alors entre les deux hommes une relation tumultueuse ; Dyer accepte de poser pour le célèbre peintre qui se lance dans une quête intérieure sur la représentation. En parallèle, Bacon se remémore son enfance maltraitée et sa jeunesse prostituée. Obsédé par le corps meurtri et la frontière entre souffrance et jouissance, il imprime à sa toile une déformation presque obscène de la chair. Persuadé que le beau naît de la boue, le peintre de la cruauté exprime la violence de sa liaison fondée sur un rapport de domination tragique tout en exposant sa réflexion sur l’art comme vol et destruction de l’autre. La dépendance toxique entre sujet et créateur apparaît ainsi comme condition d’un art presque anthropophagique. Avec intelligence et intuition, l’auteur dépeint dans une écriture à la fois sensuelle et précise ce mélange entre projection fantasmatique et sensibilité artistique.
Aline Sirba