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« Tiohtia : ke [Montréal] », Michel Jean

Seuil, septembre 2023, 224 p., 20 €

Michel Jean, auteur innu québécois, a fait connaître les premières nations canadiennes au grand public, comme en témoigne l’immense succès de son livre « Kukum » (2020). Après plusieurs récits évoquant la sédentarisation forcée dans les réserves et les pensionnats religieux où les enfants autochtones ont été envoyés jusque dans les années 1990, l’auteur poursuit son propos de sensibilisation à ces enjeux dans ce nouveau roman. Elie Mestenapeo, vingt-huit ans, sort de prison après avoir purgé une peine pour le meurtre de son père. S’il a payé sa dette à la société, il est banni de sa communauté innue. Il se retrouve donc à Montréal au milieu d’autres sans-abris qui, comme lui, errent dans les rues, dorment dans les parcs, mendient, ramassent des canettes pour quelques sous, et se réchauffent à la soupe populaire. Innus, Inuits, Cris, Atikamekw, peuples des mers ou des rivières, tous n’en constituent désormais plus qu’un seul, celui des itinérants, génération héritière des souffrances de ses ascendants, victimes de la violence, de l’alcoolisme, des drogues, du déracinement et du racisme. Pourtant, Elie trouve en cette humanité des marges un souci de l’autre et une générosité dans le dénuement, qui laissent espérer une étincelle au bout du chemin pavé d’épreuves, la plus grande étant tapie en lui-même. Le roman de Michel Jean foisonne de personnages attachants, de sensations et d’images fortes ; il excelle à nous faire ressentir le froid de l’hiver dans la rue, la quiétude d’un bois ou la chaleur d’un foyer aimant. Cette immersion est la signature de ses romans dont le propos politique et social est renforcé par une écriture sobre, au service d’une littérature engagée.

Aline Sirba

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