Le Livre de Poche, août 2021, 128 p., 6,90 €
A l’instar de Marie Richeux, Maria Pourchet, l’autrice de Feu (Ed. Fayard), histoire d’un adultère sous le regard sans concession de mères fantômes, convoque aussi la lignée féminine dans Toutes les femmes sauf une, qui sort en version poche, sous la forme d’une longue lettre adressée à sa fille nouveau-née dans la chambre d’une maternité. La violence et la douleur de l’enfantement, le bouleversement hormonal, la peur de mal s’y prendre, la culpabilisation des infirmières : à peine l’enfant parue, le berceau semble déjà bien lourd. Alors, en lieu et place de la traditionnelle berceuse, l’accouchée, écorchée vive, raconte une histoire à son bébé, une histoire de mères et de filles. Elle couche ainsi sur le papier les paroles de la langue maternelle reçues depuis l’enfance comme autant de coups de la part d’une mère exigeante, rêche et mal-aimante, auxquelles elle-même fillette a tôt opposé les mots des livres consolants, son refuge et son bouclier. Issue d’une lignée de Marie qui se taisent et ne « se la racontent pas », la romancière prend le contrepied et prénomme son enfant Adèle, brisant ainsi une malédiction matrilinéaire, tout en déplorant l’absence du père et la faiblesse des hommes en général. Ici, tout est affaire de femmes, de mères, de grand-mères, et avant elles encore jusqu’à la première coupable : « à côté du berceau qu’il ne faut pas renverser, je nettoie les tombes ». Cette démarche pénible, nécessaire à la jeune mère confiante en l’écriture comme acte réparateur et salvateur, lui donne l’occasion de transmettre cette toute première exhortation à sa fille : « ne participe pas à ta propre oppression ».
Aline Sirba