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“Ultramarins”, Mariette Navarro

Quidam, août 2021, 156 p., 15 €

Voici un premier roman empreint de poésie, un roman de la mer et des hommes, de la mer et d’une femme, la commandante d’un porte-conteneurs effectuant la traversée entre Saint-Nazaire et les Antilles. Cette dernière est à la tête d’un équipage composé de vingt hommes issus de toute l’Europe, qui travaillent sur ce géant des mers chargé de marchandises, symbole du capitalisme mondial. Passé les Açores, un marin lance l’idée d’une baignade en plein océan ; à la surprise générale, la commandante accepte, elle d’ordinaire si soucieuse des protocoles. La parenthèse récréative refermée, les hommes remontent à bord : ils sont désormais vingt-et-un, un défi à l’entendement. Les anomalies s’enchaînent alors, le bateau ralentit inexplicablement son allure et une brume impénétrable envahit la zone contre toute prévision. A la dérive comme son navire avec lequel elle fait corps, la commandante sombre dans un vertige et, Ulysse moderne au royaume des morts, se livre à une introspection au risque de ne plus refaire surface, cependant que les marins s’unissent dans la camaraderie des initiés aux légendes maritimes, au souvenir des naufragés et autres vaisseaux fantômes qui alimentent les superstitions depuis des siècles de navigation. Figé dans la peur et les fantasmes, le microcosme pourrait rapidement se transformer en huis-clos étouffant. Avec sa poésie hypnotique, son lyrisme et sa sensualité, ce court roman entraîne le lecteur vers les abysses humains. Individualisation liquide, cadres mouvants, routes fluctuantes, tels sont les écueils auxquels sont confrontés ces êtres angoissés par la perspective d’un périple infini, sans retour ni attache dans un monde globalisé.  

Aline Sirba

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