Traduit de l’allemand par Camille Logoz, Zoé, janvier 2024, 176 p., 19 €
Le premier roman publié en France de l’autrice suisse Yael Inokai est l’un des plus originaux et puissants de cette rentrée. Infirmière dans une unité de soins psychiatriques, Meret aime passionnément son métier et possède une empathie sans réserve pour ses patients. A la clinique, on pratique une psychochirurgie qui permet de soigner les troubles psychiques, mais aussi d’apaiser et d’éradiquer l’agitation ou la rébellion. Dans ce cadre, la jeune Marianne doit subir une intervention présentée comme inoffensive par le chirurgien. Concomitamment, Meret fait la connaissance de Sarah, infirmière elle aussi. Peu à peu, le doute s’insinue dans son esprit quant au but de telles pratiques médicales, tandis que s’amorce une réflexion sur la santé mentale des femmes corrélée à leur place dans une société patriarcale qui stigmatise les mœurs jugées trop libres et anticonformistes. En réalité, l’émancipation de plusieurs personnalités est ici en jeu. Yael Inokai possède un véritable talent pour capter les détails, raconter avec acuité de menus faits et gestes du quotidien qui prennent parfois une importance symbolique. Avec une économie de moyens et un art consommé du dialogue, le roman saisit l’éveil d’une conscience et la capacité agissante des personnages à travers le portrait lumineux d’une héroïne complexe.
Aline Sirba