Août 2021, L’Olivier, 192 p., 17 €
En résonance avec Marie Richeux, Thierry Hesse remonte le temps pour enquêter sur son grand-père paternel, un Mosellan qui aurait pu croiser en son temps l’aïeule de « Sages femmes » (Marie Richeux). Tailleur de son état, lui aussi cousait, piquait, bâtissait, retouchait, et lui aussi a été effacé de la mémoire et de l’histoire familiale, ostracisé même de son vivant. C’est en retrouvant une photographie que l’auteur décide de déchiffrer l’énigme de celui qui n’a jamais été appelé autrement que Franz (un surnom allemand). Cette histoire passionnante ne l’est pas tant par ce que l’on découvre sur cet ancêtre à l’écart de la famille et du monde, reclus dans un logement minuscule en lisière de Metz – les dates et les faits bruts éclairant peu le mystère d’une vie – que par la poétique mélancolique qui s’en dégage. Franz est le fil rouge d’une histoire complexe aux motifs enfouis, l’artisan affranchi d’une condition paysanne qui, par-delà le temps et la géographie, « [confectionne] l’habit seyant pour des temps intranquilles », en écho aux propos de Marie Richeux. A l’instar de cette dernière, l’auteur relate ses investigations à la frontière de l’histoire et du territoire, de la France et de l’Allemagne, du rêve et de la réalité parfois insolite, tout en livrant ses réflexions personnelles sur l’écriture, seule manière pour lui de « supporter le réel en le poétisant ». Ainsi Kafka, Melville ou Claude Simon s’avèrent-ils des auxiliaires plus précieux que les archives pour approcher le héros dans l’ombre de son enfance solitaire, Franz accédant à la mythologie d’un Bartleby ou d’un Gregor Samsa.
Aline Sirba