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Marcus MALTE

Le dernier roman de Marcus Malte, toujours là où on ne l’attend pas, est un véritable régal : manipulation du lecteur, thriller, portrait des Etats-Unis depuis les années 1960, roman dans le roman, méta-roman, l’auteur prend un malin plaisir à perdre son lecteur, piochant dans tous les genres et le laissant avec des questions, non sans lui avoir ouvert les yeux sur des enjeux très actuels.

1. Comment vous est venue l’idée de ce roman ?

Comme pour tous mes romans, je ne pars pas d’une idée, d’un sujet ou d’un thème à développer, je pars d’abord d’une recherche formelle. C’est-à-dire que je travaille sur le style, sur la tonalité que je voudrais obtenir, sur le son et le rythme. C’est cette forme qui va m’amener à un certain fond, et non l’inverse. Je m’étais intéressé par ailleurs aux travaux de Nikola Tesla et de quelques autres savants et inventeurs, notamment sur l’énergie, et il me semblait qu’il y avait quelque chose d’intéressant à creuser dans ce domaine.

2. Sur la quatrième de couverture, on lit que « Qui se souviendra de Phily-Jo ? » est votre « grand roman américain ». Dans quel sens ?

Je suis assez friand de littérature américaine et cela me faisait plaisir de situer cette histoire aux Etats-Unis, avec des personnages américains, d’autant que le propos s’y prêtait bien. D’autre part, le récit survole une assez longue période de l’histoire de ce pays, des années soixante à nos jours. C’est donc devenu le « grand roman américain » d’un petit auteur français !

3. Dans ce roman, vous manipulez non seulement vos personnages mais aussi votre lecteur. Y prenez-vous plaisir ? Détenez-vous la clé de l’énigme : pourriez-vous révéler qui est le narrateur ultime (même si je ne vous demande pas de divulgâcher ici en donnant un nom de personnage) ?

Oui, il est beaucoup question ici de mensonge et de vérité, de réalité et de fiction, et de la frontière parfois assez floue qui les sépare. Que croire ? Qui croire ? C’est le grand leitmotiv du roman. Nous sommes tous plongés dans ce même bain du jeu et de la manipulation : les personnages, les lecteurs, l’auteur. J’y ai effectivement pris plaisir, je me suis bien amusé et j’espère que le lecteur, même s’il est un peu « baladé », y trouvera également plaisir. Les sujets abordés dans cette histoire sont assez sérieux, voire graves, mais j’avais envie de les raconter sur un ton plutôt drôle et ludique.

Quant à la « clé de l’énigme », ne comptez pas sur moi pour vous la dévoiler. L’intérêt est que chaque lecteur se fasse sa propre opinion – je sais que cela a déjà donné lieu à pas mal de débats entre lecteurs.

4. On peut parler de mise en abyme du roman, mais aussi d’une réflexion métaromanesque, avec des mises en garde sur le pouvoir du roman, sur la manipulation de l’écrit. Quel est selon vous le rôle du roman, s’il en a un ?

Je ne suis pas capable d’affirmer quel peut être le rôle spécifique du roman. En ce qui me concerne, j’essaie d’abord de créer de la beauté, de créer de l’émotion, j’espère toucher le lecteur, d’une manière ou d’une autre, et si possible profondément, durablement. C’est l’enjeu majeur. Si je peux l’amener à découvrir des choses, ou à les envisager sous un autre angle, à les remettre en cause, à se poser des questions, c’est un plus. J’ai assez d’ambition et de prétention pour vouloir que mes romans ne soient pas de simples divertissements de quelques heures – des romans kleenex.

5. D’après les enjeux de ce roman précis (climat, lobbys, politique, complotisme, etc.), est-ce qu’on peut vous qualifier d’auteur engagé ?

Je viens du roman noir, c’est une école qui, en France, a une connotation très politique et sociale. Alors, oui, il y a cet aspect-là dans la plupart de mes bouquins. Je raconte des histoires d’hommes et de femmes, d’êtres humains, qui évoluent dans un contexte particulier, au sein d’une société particulière ; ce contexte et cette société ont forcément une grande influence sur eux, donc j’en parle, y compris dans ce qu’on peut considérer comme des défauts et des travers. Pour autant, je ne me sens pas obligé de le faire, et tous ces sujets sont étroitement mêlés à l’intrigue, aux personnages. Je n’écris pas, au départ, pour dénoncer telle ou telle chose, c’est juste qu’elle a sa place et son importance dans l’histoire en cours, et c’est pour cette raison que je l’évoque. Je n’écris ni des essais ni des tracts !

6. Avez-vous une routine d’écriture ?

Pas de routine particulière, non. Rien de très original. J’essaie juste d’écrire régulièrement, chaque jour, afin de garder le ton. Je marche au café et au chocolat noir : désolé si on est loin de la légende des grands auteurs américains qui carburent au whisky !

Propos recueillis par Aline Sirba

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